S’il est un livre bien connu par tous les libraires c’est celui-là. Autant parce qu’il s’agit d’un bestseller qu’il faut toujours avoir en rayon pour que le « secteur poche » soit digne de ce nom, mais aussi parce que, chaque année, il fait partie des titres offerts par l’éditeur pour l’été. Ce titre a donc été mis dans des centaines de milliers de mains mais combien d’entre nous l’ont lu. Son épaisseur pourrait donner envie de l’utiliser comme brique de yoga et l’ouvrir au mauvais moment peut vraiment vous assommer et vous faire passer l’envie de l’ouvrir de si tôt.

Ce livre a donc gravité autour de moi pendant des années. Libraire assignée au secteur poche, je rangeais un nouvel exemplaire en rayon presque chaque semaine. J’ai empilé, désempilé, réempilé ce livre, sous la caisse, sur la caisse, et espéré écouler tous les exemplaires gratuits avant la fin de l’été.

Oui son titre est alléchant, « Femmes qui courent avec les loups » ça sent l’aventure, les grands espaces, la liberté et puis je l’ouvre, mes yeux trainent sur les pages et en moins de trois minutes buttent sur le mot archétype. Le texte est dense, les explications semblent complexes. C’était pas un livre d’aventure finalement ? Ni un léger petit roman de l’été facile à lire dont les pages courent aussi vite que le soleil trace les contours de la piscine.

J’ai trié maintes fois ma bibliothèque, hésité à le donner. J’ai fini par le déposer chez Oxfam pour lui offrir une seconde vie à ce livre gratuit qui n’avait jamais su me convaincre de le lire.

Mon intuition d’ex-libraire est encore bien affutée, il m’arrive encore de rentrer en librairie et de laisser mon corps choisir seul l’endroit où aller, je laisse mes pas me guider, ma main se poser sur une tranche et déjà je sais si ce livre est pour moi. Me voilà chez Oxfam, en train de donner une seconde vie aux textes que d’autres ont déposé, je pratique la tactique du sonar de libraire, mes antennes intérieures bien souples pour sentir la bonne direction, ma main se pose sur la brique de yoga.

Je l’ouvre, c’est le mien. Celui que j’ai déposé il y a quelques mois, j’ai toujours gardé l’habitude d’écolière de marquer mon passage en tant que gardienne d’un livre. Tu as eu une place dans ma bibliothèque, mon prénom a une place sur une de tes pages blanches. Il est là, il m’attend. Je le rachète, incongruité de payer pour un livre reçu gratuitement d’un éditeur, redevenu valeur marchande après avoir été gracieusement offert à une association caritative. Pour quelques euros, je signe un pacte avec le bouquin, cette fois, je vais courir avec les loups. Cette fois, je te choisis texte énigmatique, cette fois, je ferai résonner tes mots au coeur de ma conscience. Cette fois, je suis prête. Le moment est venu.

En deux mots, le texte de Clarissa Pinkola Estes est un cheminement, un périple qui ne s’arpente pas avec hâte. Il se déguste lentement et lorsque la voix de conteuse qui se cache en vous commence à donner vie aux mots, ils deviennent paroles, ils deviennent histoires qui rallument le feu du coeur et vous aide à lever le voile de la femme sauvage en chacune de nous.

Je crois que nous sommes nombreuses, ex-libraires ou non à avoir un histoire à propos de ce livre. Sentir au fond de soi qu’il est aussi indispensable que dangereux car s’il arrive au bon moment et fais vibrer toutes les cordes, il y aura forcément un avant et un après.

Je serais curieuse de connaître vos péripéties dans la course avec les loups. En trois mots, ce que ce livre t’a permis d’accueillir en toi ?

2 commentaires sur « Femmes qui courent avec les loups »

  1. Merci merci, j’ai aussi ce livre qui traine, parfois je me surprends à ouvrir une page et puis la lourdeur des mots, du visuel, du livre me poussent à le refermer. Mais maintenant j’ai envie, envie de le titiller et de me laisser surprendre, l’apprivoiser, me laisser guider … Et laisser agir les mots sur mon âme et mon corps, merci !!

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